Nicolas Fargues

Dernier livre paru : La Ligne de courtoisie (P.O.L)

« P.O.L est incontestablement mon éditeur préféré mais, côté typo et mise en page, je préfère Minuit ou « La Blanche » de Gallimard. J'aime en effet les typographies maigres et plutôt verticales qu'arrondies. Je préfère les pages écrues aux blanches aveuglantes. Je demande à un livre une belle austérité davantage que de la joliesse et du confort. La concentration du lecteur s'accommodant mal d'une excessive fantaisie, difficile de se montrer très créatif dans le domaine. »

Annie Ernaux

Écrire la vie (Gallimard)

« J'attache beaucoup d'importance à la typographie de mes livres (caractères, densité, espacements, blancs) parce qu'elle joue forcément un rôle dans la compréhension et le plaisir du texte. Lorsque mon premier livre, Les Armoires vides, a été publié en 1974, j'ai été très déçue de constater que les caractères étaient petits, serrés. Or c'était un texte dense, sans chapitres, avec peu de passages à la ligne, il y avait vraiment de quoi décourager toute lecture. Ensuite, j'ai été très vigilante sur le caractère employé, les blancs qui ne sont pas là, dans mes textes, seulement pour aérer mais qui ont une signification, de rupture souvent, ou de mise en valeur d'une phrase, d'un paragraphe. À chaque livre, je passe toujours beaucoup de temps avec les gens de la fabrication… »

Brigitte Giraud

Pas d'inquiétude (Stock)

« L'aspect matériel du texte est son prolongement, son incarnation. La mise en page permet de souligner, de moduler, de respirer ou au contraire de garder le lecteur dans le flux. Mais il ne s'agit pas, pour des textes de littérature, de trop jouer avec la forme. Une certaine sobriété est un gage d'élégance aussi. En tant qu'éditrice, quand je reçois un manuscrit dont la typo est trop recherchée, trop appuyée, j'ai tendance à me méfier. Elle est souvent là pour masquer la pauvreté du texte, qui ne se suffirait pas à lui-même. Les livres électroniques m'effraient, le rapport au texte n'est plus le même. J'ai besoin d'un objet, de la typo, du grammage, de la prise en mains. Je n'aime pas ce qui peut sembler interchangeable. »

Bernard Pivot

Oui, mais quelle est la question ? (NiL)

« Lecteur d'un certain âge, je ne peux plus lire certains livres de poche écrits trop petit, je dois écarquiller les yeux pour lire certaines collections d'œuvres complètes. Je préfère les corps de caractère un peu gros pour plus de confort de lecture. Un des bonus des liseuses est de pouvoir augmenter la taille du caractère, ce que ne peut pas offrir le papier. »

Patrick Deville

Peste et Choléra (Seuil)

« L'aspect physique de la page a de l'importance, mais il n'est pas déterminant pour moi. Si la lecture est rendue plus agréable par la dimension du livre, la typographie, les pages aérées, les marges assez grandes pour prendre des notes, c'est mieux. Mais si le livre n'existe qu'avec un caractère minuscule et que je pense devoir le lire, je le lis quand même. »

Claudie Gallay

L'Office des vivants (Le Rouergue)

« C'est par la typographie que passent nos textes. Qu'ils sont reçus. Quand je présente un texte, j'attache beaucoup d'attention aux retours à la ligne et aux sauts de page. Le blanc a de l'importance. Je préserve des espaces vides entre les chapitres. Je découpe en chapitres parfois courts, afin que le lecteur prenne des pauses, l'imagination s'évade grâce à cet espace. Le “blanc” dans mes textes n'est pas du “rien”. Je le ménage comme des coupures essentielles, des parties de pages sans écriture

mais qui sont des silences,

des respirations. »

Recueilli par C. R.-N.